De la naissance d'Aedis Kaplan on ne sait peu de chose. Les rares indices qu'elle a pu collecter lui font penser que sa mère était une humaine sur le fœtus de laquelle des expériences ont été faites. Née en 2027, Aedis fait en effet parti de la génération stérile d'hybrides, ce qui n'est pas pour lui déplaire. Ayant vu le jour dans un laboratoire, elle n'a vu le monde extérieur qu'à ses trois ans ; gamine émerveillée par l'herbe, le soleil, la nature, elle fut bien vite retournée à sa vie assommée de calmants et autres somnifères,
qui lui laissèrent jusqu'à sa vie adulte un caractère docile et indolent. Sa vie aurait sans doute pu se terminer ainsi, mais d'autres hybrides virent le jour, moins "défectueux". Pour financer les recherches du laboratoire, les premiers spécimens furent mis sur le marché, Aedis comprise ; les années 30 commençaient en grande pompe ; la petite fille avait six ans quand elle fut vendue.
Elle atterrit dans une famille d'artistes curieux, les Kaplan : Keiro, le père ; Gaëlle, la mère ; et Sue, la petite fille un an plus jeune qu'Aedis. C'est celle-ci qui donna son nom à la Kitsune, nom que la principale intéressée répéta longuement, mâchant les syllabes dans sa bouche comme du miel : elle avait un nom ! Elle trouvait ça extraordinaire, tout comme l'attention qu'on lui portait. Elle apprit à lire, à écrire, et avait le droit de vivre comme Sue. Les deux petites s'entendaient bien, mais les problèmes d'argent rattrapèrent encore Aedis, qui fut revendue, la mort dans l'âme, par la famille qui lui avait tout donné, même son nom. Là, elle avait dix ans : en 2037, les hybrides étaient de plus en plus communs, et elle atterrit dans une animalerie d'une quelconque rue. Elle avait faim, soif, elle avait froid et ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Le laboratoire était loin pour elle, et ses quatre dernières années lui avaient parues... Normales.
Mais la normalité changea bien vite dans les yeux de la fillette. Achetée par des maîtres bien plus dures, elle apprit quel était le réel statut d'hybride, et s'y plia sans réel problème. Jamais rebelle, jamais la voix qui flanchaient : une kitsune sortable et docile qui servait à tout et n'importe quoi... Trop docile sans doute, puisque après un peu plus de deux ans, elle fut ramenée à l'animalerie. "Pas amusante" : non, elle ne l'était pas, avec ses sourires quotidiens, ses "oui maîtresse" sans fautes, sa faculté d'adaptation et ses larmes invisibles. La famille repartit avec un jeune mâle au regard rebelle, hybride de labrador. Aedis regretta un peu cet endroit, cette famille, qui lui fournissait au moins de quoi manger et se vêtir : elle détestait l'animalerie.
Elle y resta pourtant une bonne année, reléguée au fond de la boutique, la mode n'étant pas au kitsune dans ce coin de la ville. C'est le lendemain de ses quatorze ans qu'elle en sortit, pour rejoindre un maître plutôt neutre, qui avait ses sautes d'humeur, mais était plutôt bienveillant la plupart du temps. Elle fut traitée comme n'importe quelle servante, et s'en sortit plutôt bien. Son manque de gouaille l'empêcha pourtant de monter en grade au sein de la maisonnée, et quand une de ses collègues brisa un vase d'une grande valeur, celle-ci accusa Aedis sans remord. Trop timide et impressionnée pour démentir, elle fut remise dans une animalerie, à dix-neuf ans ans. Parmi les plus âgées, elle n'eut pas d'acquéreur, à son grand désespoir, d'autant plus qu'elle avait une réputation (certes fausse) très mauvaise : elle avait eut trois maîtres, et aucun ne l'avait gardée plus de cinq ans... Pas très flatteur.
Aujourd'hui, amaigrie, un peu salie, elle attend toujours, faisant les yeux doux aux passants pour récolter quelques miettes de pain et pourquoi pas trouver un maître...