La famille Volsungar, issue de Scandinavie et disséminée à travers l'Europe Centrale, occupait une place importante dans l'aristocratie du siècle dernier. Cependant, à coups de révolutions, de changements de régimes et de massacres organisés, les belles provinces où les aïeux d'Alexander avaient vécu et fait fortune n'étaient plus les mêmes. Les décors avaient changé. Les gens avaient changé. L'argent, lui-même, n'était plus d'une valeur aussi appréciable. En ce vingt-et-unième siècle, les croyances qui, autrefois avaient dominé le monde, s'étaient écroulées comme de vulgaires chateaux de cartes. Alors lui, le descendant des Volsungar, n'eut plus vraiment le loisir d'être noble. D'ailleurs, on perdit la terminaison de son nom, comme pour souligner que la guillotine et les crises successives ne devaient pas amputer que les hommes. Volsungar devint Volsung. Alexander resta toutefois Alexander. De l'enfance à l'adolescence, dans la tourmente des jours trop pleins de soleil et bien fades en coulisse, il grandit paisiblement. Le spectacle de la lente déchéance des siens restait tapis dans l'ombre. Alors il évolua, devenant un homme accompli, bien élevé, important, héritier d'une fortune qu'il avait appris à gérer. L'amour d'une mère, qu'il n'avait pas connu, néanmoins, lui manqua plus qu'on ne l'aurait cru. Et l'exemple paternel, d'un type qui se fait dominer par ses créanciers, malmené par bien du monde, devait seule rester gravée dans la mémoire d'Alexander. Il n'était pas le fils d'un homme de pouvoir. Son géniteur, bien qu'imposant et riche, s'était montré pusillanime. Si l'âge n'avait permis à notre héros de prendre son essor et de participer à la fortune familiale, son père l'aurait probablement perdue en cours de route. D'ailleurs, sa santé s'en était allée, tandis que la mort venait à sa rencontre.

Alexander Volsung devint celui sur qui tout reposait en peu de temps. Les rênes du pouvoir entre les mains, il s'en servit avec la plus grande rigueur, avec ce qui ressemble à de la cruauté et un manque total de compassion. Lion parmi les loups, il dévora ses adversaires, effraya ceux qui avaient fait peur à son père et massacra les quelques opposants. La richesse de ses ancêtres, durement acquise, allait reprendre du poil de la bête. Bientôt connu pour son intransigeance, ses penchants que l'on dit déshumanisés, sa froideur et son mordant, l'homme mûrit et assuma son rôle.

Il y a quelques années, ayant suffisamment de côté, il s'acheta une imposante bâtisse à Kogame, là où il pensait mener plus que sa retraite. Car toujours en activité, il organisait là-bas d'immpressionnantes réceptions, des festins et ce qui ressemble vraisemblablement à des orgies. Mélangeant tous les péchés, Alexander se fit une réputation de requin ou de tigre. Qu'importe tant qu'il s'en faisait une et satisfaisait son égo. Maintenant, en fin de compte, il ne lui reste qu'à trouver ce que l'avenir pourrait encore bien lui réserver de surprenant. Parce que le bonheur des hommes est dans leur imagination. Et il ne comptait certainement pas laisser cette dernière prendre le dessus sans se voir réalisée un jour...